On a beaucoup parlé de l’emprise mais pas suffisamment de « l’emprise inspirante »
Judith Godrèche s’est beaucoup exprimée sur la relation de couple qu’elle a eu, quand elle avait 14 ans avec un réalisateur de 40 ans. Dans un entretien, elle évoque une « emprise inspirante » . C’était, dit-elle, « une emprise extrêmement inspirante »
En consultation, il est fréquent d’entendre quelque chose qui ressemble à l’emprise inspirante. On est sous emprise, on veut être sous emprise, on ne peut pas s’en empêcher. L’emprise peut d’ailleurs être mutuelle.
Pour prendre une histoire caricaturale : la jeune stagiaire cherche le regard de son patron, ses yeux brillent quand elle se sent désirée, quand elle a l’impression d’être la fille préférée du père. Quant à lui, il retrouve sa petite fille bien aimée qui revient se blottir dans ses bras plutôt que de sortir avec des voyous.
Bien sûr, l’histoire inverse existe elle aussi. Le jeune homme qui trouve une maman compréhensive, laquelle peut dorloter son petit garçon ou, version plus trash : se taper un réfugié aux abois.
Parfois l’histoire se transforme, mûrit, tient le coup au fil du temps, dure. Souvent, elle se casse la figure: le jeune, la jeune en a marre de rester au coin du feu, trouve que les fesses de son partenaires sont vraiment trop molles, que son haleine manque de fraîcheur, découvre qu’il y a bien d’autres préféré.es dans sa vie.
L’emprise n’est du coup plus inspirante du tout. Seuls restent les yeux pour pleurer, quelques photos, des textos, voire une tache de sperme sur une robe bleue.
L’un ou l’autre se sentira trahi, berné, abandonné, seul avec sa tristesse ou accusateur envers ce salaud, cette salope. Ou, selon la culture du moment : cette représentante de la gente tentatrice, cette figure du patriarcat.
S’il a quelque bon sens, l’entourage ou le juge aura vite fait de classer l’affaire. Vous étiez quand même consentant.e n’est ce pas ?
Et revient alors toute la question de savoir jusqu’à quel point on est consentant quand on est sous emprise inspirante. Tôt ou tard, il faut bien se débrouiller avec son inconscient qui nous entraîne parfois dans des chemins que l’on aurait mieux fait d’éviter.
Dire « j’étais sous emprise inspirante », c’est un peu dire : Ça c’est passé à l’insu de mon plein gré.
Mais revenons à Judith Godrèche. Elle était mineure, et cela fait toute la différence ! Les adultes autour d’elle ne l’on pas protégée. Que ce soit son compagnon – largement conscient de l’interdit, ou ses parents – qui l’ont d’ailleurs émancipée – ou l’entourage, séduit lui aussi, ou encore la justice.
L’avocat du diable dira : A cette époque là, tout le monde trouvait cela normal et l’on faisait d’ailleurs semblant de prendre les photos de David Hamilton pour de l’art et non un support masturbatoire.
A posteriori, il est clair pour tout le monde que quelqu’un aurait du dire : Judith, ça suffit ! Va dans ta chambre et on en reparlera quand tu seras majeure. Qu’un père aurait pu dire au mec : si tu continues, je porte plainte ou te casse la gueule. Oups, trop patriarcat, je recommence : on aurait pu attendre qu’une mère dise au type : si tu touches ma fille, je t’arrache les couilles.
Rien de cela ne s’est passé et c’était dans l’air du temps. Chaque époque a ses aveuglements dont se scandalise la génération suivante.
Mais quels seraient alors les aveuglements d’aujourd’hui ?
A ce propos, j’ai juste un petit étonnement.
Tout le monde estime qu’il faut mettre un halte à l’emprise inspirante d’un.e adolescent.e et ceux qui crient le plus au scandale trouvent normal qu’un jeune puisse décider de son genre jusqu’à des traitements médicaux ou chirurgicaux qui le marqueront à vie.
Je vous fiche mon billet qu’une part d’entre eux dira un jour : j’étais sous emprise inspirante. Et ils auront raison de nous le reprocher.
Depuis des années, un certain lobby de la « bientraitance » s’agite autour de la question des châtiments corporels vis à vis des enfants. Dernier épisode : une ONG veut assigner la Belgique pour défaut de législation.
Il faut rappeler à quel point cette bêtise mérite une petite fessée.
Actuellement, dans nos sociétés occidentales, tout le monde est d’accord pour considérer que les châtiments corporels ne sont pas une bonne solution pour aider un enfant à grandir et qu’ils ont même des effets contre-productifs. Néanmoins, créer une nouvelle loi n’a pas de sens pour plusieurs raisons.
La loi interdit déjà le recours à la violence ainsi que les coups et blessures. De plus, la circonstance est aggravante quand il s’agit de violence à l’égard des mineurs. Il n’y a donc pas lieu de rajouter une législation ; trop de loi nuit à la loi.
Une nouvelle législation (inutile) revient à se focaliser sur l’acte et non sur l’intention. De nombreux châtiments humiliants sont nettement plus blessants qu’une fessée occasionnelle. L’important est de sensibiliser les parents au fait que l’enfant apprendra à se protéger et à se faire respecter s’il est respecté dans sa famille (ceci ne supprime pas la nécessité de mettre des limites).
Il y a lieu de différencier les situations : il peut arriver qu’un parent débordé ne parvienne pas à limiter autrement son enfant que par un geste, une fessée par exemple. Ce geste, s’il est occasionnel, n’est pas synonyme de maltraitance ou de rupture de la relation entre l’adulte et l’enfant. Il est préférable d’aider le parent à comprendre en quoi il a été dépassé, comment il peut dire « J’aurais pas dû » sans perdre la face.
Vouloir légiférer plus que de raison, c’est introduire la loi encore et encore, c’est brandir la force publique en père fouettard, menacer le parent d’un châtiment alors que le soutien à la parentalité doit être l’axe de base de toute politique en la matière. Soutenu, le parent pourra à son tour soutenir son enfant.
De guerre lasse, la Belgique, comme d’autres pays, finira par ajouter quelques lignes de code à un arsenal juridique déjà pléthorique (Bah, ça ne mange pas de pain). De leur côté, les associations concernées continueront de se faire mousser à bon compte, évitant des se coltiner à des violences nettement plus complexe. Par exemple, les pressions pour voiler petites et jeunes filles, un féminicide, rappelle Kamel Daoud, une prison et une condamnation à mourir une vie entière, un enterrement vertical, le renoncement acclamé à son propre corps.
Vincent Magos
Ancien directeur de la Coordination de l’aide aux enfants victimes de maltraitances.
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Ci-dessous, une petite illustration (vieille de plus de dix ans) qui a une longue histoire.
Certain deuils concernent une famille tandis que d’autres une communauté beaucoup plus vaste. Les effets n’en sont pas les mêmes. Essayons de différentier… un peu.
[GENERIQUE]
Quelqu’un décède, l’entourage est en deuil. Selon la famille, selon l’environnement social, un rituel s’organise. Il est bref parfois ou organisé en étapes. Par exemple: d’abord les funérailles, puis plus tard la levée du deuil. Dans certaines cultures les veuves portent le noir pendant deux ans, toute leur vie parfois.
J’ai connu l’époque où durant quelques mois, les hommes mettaient encore un brassard noir. Une manière discrète de dire « excusez-moi, mais je ne fais pas encore la fête avec vous »
Tous ces rituels (il y en a tant et plus) permettent aux vivants de passer de la vie commune avec la personne décédée à une vie sans elle. Et puis, chacun fait son chemin intérieur, l’absence résonnant comme les ronds dans l’eau après qu’une pierre ait été jetée.
Ainsi, les morts restent vivant dans certains rites, dans les mémoires, dans les rêves, dans le prénom que l’on donne à un nouveau né, dans pierres tombales que l’on visite, les objets que l’on garde, que l’on perd puis que l’on retrouve au fond d’un tiroir, d’une cave…
Accepter cette absence, cela prend du temps… Mais aujourd’hui, la tristesse est mal portée. Il arrive que l’entourage ou l’employeur s’impatiente. Que l’on se sente obligé de s’excuser quand vient l’émotion provoquée par un souvenir qui remonte, que l’on se sente parfois obligé de prendre des anti-dépresseurs. Dommage de psychiatriser une tristesse « normale ».
Mais il y a d’autres deuils. Ceux qui dépassent l’histoire singulière, ils concernent tout un village, toute une communauté, un ou plusieurs pays. Limiter le deuil à une histoire privée serait alors une manière d’enfermer une famille dans sa douleur, de psychologiser, de dénier que toute la communauté a été meurtrie, déchirée, éclatée parfois, et a besoin de se retrouver, de se rassembler, de se retisser.
Ainsi, par exemple, en Ukraine, au passage de la dépouille d’un soldat mort, tout le mode s’arrête et se met à genoux. Même celui qui ne connaît pas ce soldat sait qu’il a combattu pour lui.
En Belgique, la marche blanche fut, entre autre, une manière de dire que la mort de ces enfants dépassait le chagrin des parents, concernait tous les belges, venait dire quelque chose d’une surdité institutionnelle, d’un échec collectif.
Pour dépasser le privé, pour renforcer la cohésion sociale nous créons des cérémonies, des dates (le 11 novembre), des musées, des institutions : en Russie, l’ONG Mémorial – fermée en 2021 – avait pour but de préserver la mémoire des victimes du pouvoir soviétique
Il y a des lieux aussi : Auschwitz, la prison de Tuol Sleng au Cambodge, les monuments aux anciens combattants, aux victimes du terrorisme… La forêt et les croix de Katyn etc, etc…
Le COVID a une histoire à part. Que de deuils malmenés. Dans les maisons de repos, dans des services d’urgence, malgré la créativité et le dévouement des soignants.
Mais les complotistes ont mis en doute la gravité et mortalité de la pandémie, le business a repris comme si de rien n’était, le trafic aérien a dépassé les plafond d’avant pandémie. Le monde d’après ressemble au monde d’avant. A nouveau nous sommes dans le déni d’une mondialisation mortifère, productrice de pandémies… entre autres.
Certains, pour éviter ce déni, ont très vite demandé la mise en place d’un processus de deuil collectif pour aller de l’avant (voir ci-dessous), une journée nationale car renvoyer ces défunts à des histoires individuelles c’est un faux pas à leur égard et le déni d’une déchirure qui nous a tous blessés. Et quand déni il y a, revenir sur terre s’avère souvent très douloureux.
Voilà pourquoi on peut être heureux d’une initiative, encore timide – très timide – mais qui sonne juste : les « Onument », une série de sites de recueillement qui commémorent les victimes de la pandémie Covid-19. A l’écart de l’agitation, ils sont mis en place dans de calmes espaces publics, dans des parcs, comme bientôt à Bruxelles, au sein du Parc d’Osseghem.
Consacrons une journée à un rite public pour commémorer les victimes du coronavirus par Donatella Di Cesare
Publication originale dans L’espresso du 20 avril 2020 (Traduction de Silvia Guzzi pour lundimatin#240 – 27 avril 2020)
Toute atteinte à la dignité de la mort entrave la mémoire collective et mine les fondements du vivre-ensemble citoyen. Quand l’urgence première sera passée, il faudra que l’Italie consacre une journée à la mémoire des victimes du coronavirus afin d’aider ceux qui restent à élaborer ce deuil aujourd’hui spectral.
En Italie, dans la nuit du 18 mars, un homme filme depuis son balcon les images d’un long convoi de véhicules militaires : chargés des cercueils des victimes du Covid-19, les camions quittent le cimetière de Bergame pour les acheminer vers d’autres villes. Le crématorium de Bergame n’arrive plus à écouler les corps devenus trop nombreux. Cette vidéo provoque un traumatisme profond au sein de la population. On croirait ces images sorties des limbes d’un passé de guerre, une blessure jamais refermée. Et ce sont les images d’un droit nié : le rite de l’adieu .
Ces cortèges lugubres, qui avancent sous escorte, se multiplient sur les autoroutes, les périphériques et les routes secondaires. Les morts ne doivent pas déranger la ville des vivants. Mais sous les bâches mimétiques, il y a le marchand de tabac, la maîtresse d’école retraitée, le curé des pauvres, l’agent de police, l’épicier, la voisine du troisième étage, deux époux morts ensemble. Ce sont de petites-grandes histoires de province, anéanties d’un seul coup par une Histoire qui a récemment pris une tournure apocalyptique. Comme si soudain tout prenait fin.
« Le nombre des décès d’aujourd’hui – annonce-t-on dans un jargon froid – n’est pas tellement élevé. » Or les victimes se comptent par centaines. Et derrière ces chiffres, ces courbes, ces schémas, c’est une génération entière qui est effacée, celle qui a construit l’Italie de après-guerre . Ce sont les personnes âgées fauchées par le virus dans les maisons de retraite, ces grands espaces vides où l’on parque la vieillesse, les plus abandonnées et, comme toujours, les plus pauvres. Ces personnes sont mortes dans une solitude différente de celle qui accompagne les derniers moments. Le virus isole dès avant la mort. On lutte pour respirer entubés, reliés à des machines. Sans famille, sans amis auprès de soi. Sans le moindre geste, ni quoi que ce soit qui ressemble à un adieu.
Dans la culture hygiénisante actuelle, la mort doit être nettoyée, désinfectée, stérilisée. C’est pourquoi elle est refoulée dans les coulisses de la scène publique. Le fait qu’elle soit provoquée par un virus inconnu rend tout cela encore plus criant. Les fosses communes que des drones découvrent çà et là, comme à Hart Island, l’île-cimetière de New York, en sont la preuve. La modalité adoptée pour la sépulture, farouchement aseptique, impitoyablement expéditive, fait horreur. L’épuration de la ville vidée de la mort inquiète. Mais si les morts disparaissent et si les corps sont traités comme des déchets contaminants, alors la ville devient une nécropole, un espace aseptique et stérile de mort .
Nous ne pouvons pas accepter que la distanciation entraîne un confinement sommaire des victimes. C’est un sujet dont on ne parle pas encore, parce que le choc est profond et la perte, énorme. Mais bien vite il va falloir que l’on organise en Italie un rite public qui permette à la communauté blessée de se rassembler et qui l’aide à élaborer ce deuil, aujourd’hui spectral .
Notre histoire récente nous apprend que toute offense faite à la dignité de la mort mine la communauté entière, empêche le travail de deuil et inhibe la mémoire. L’impossibilité d’élaborer le passé suspend le présent, condamne l’avenir. Les gestes d’adieu et les rites collectifs de la perte sont donc indispensables. Car si la mort est irréversible, elle ne s’achève cependant pas dans la négativité. Même les non-croyants considèrent le rachat de la mort de l’autre comme un devoir.
Celui qui survit est appelé à répondre, il a une responsabilité qui va au-delà du sentiment de culpabilité qui le tourmente, au-delà de l’obligation au respect. Avec la mort de l’autre, c’est aussi son monde unique, irremplaçable, qui prend fin – un monde qui était aussi un peu le mien, qui était aussi un peu le nôtre. Celui qui reste est plus seul, mais aussi plus pauvre de monde.
La promesse du deuil est d’emporter avec soi l’autre et le monde de l’autre. Nos vieux s’en sont allés et, avec eux, notre monde et notre mémoire. L’Italie ne sera plus celle d’avant. Et elle sera pire si nous ne les pleurons pas vite ensemble.
Un processus de deuil collectif est nécessaire pour aller de l’avant
La mort fait partie de la condition humaine, de la vie même. Et un peu d’oubli de cette condition est sans doute nécessaire aux humains pour être heureux. Mais un déni trop important est problématique, rend malheureux, peut tuer même faute de reconnaître les risques. C’est pourquoi nous avons besoin de rituels collectifs autour de la mort. Pour laisser les morts en paix et permettre aux vivants de retrouver le chemin du bonheur. Pour nous souvenir des risques et mieux les anticiper à l’avenir, ensemble.
Voici un an, le premier Belge était déclaré positif au coronavirus. Début 2020, se déclenchait la pandémie de covid-19. Depuis lors, plus de 20.000 personnes sont mortes de cette maladie dans notre pays. Près de 700.000 personnes ont été contaminées. Quasiment tous, nous avons été touchés, directement ou indirectement. Nous sommes contraints, et certains plus que d’autres, à subir le deuil, la maladie, l’angoisse, de nombreuses restrictions de liberté, plusieurs confinements et l’absence de certitudes quant à l’avenir.
Encore une fois dans cette nouvelle ère mondialisée de l’histoire, nous pouvons ressentir la destinée commune de toute l’Humanité. Nous formons une même espèce, confrontée à une menace universelle. Partout dans le monde, à cause de ce virus, on meurt, on souffre, on subit, on pleure, on déprime, voire on désespère. La détresse est aussi morale, spirituelle, car l’avenir est incertain, la foi, même laïque, dans l’aventure humaine est ébranlée.
Un deuil sociétal
Mais les statistiques ne disent rien de notre vécu. C’est la personne humaine qui est touchée au cœur. Le confinement mutile la joie de nos relations. Nombre d’entre nous ont connu la tragédie de perdre un proche, un grand-parent, une mère, un père, un.e collègue, un.e ami.e, une sœur, un frère, un enfant parfois. Des élus privés de sommeil, des soignants privés de repos, des indépendants privés d’activité, des retraités privés de visites, des employés privés de contacts professionnels, des jeunes privés d’amitiés et d’aventures, des couples privés d’amour, des enfants privés d’insouciance… Ce n’est bien sûr pas la première fois dans l’histoire. Mais nous espérions que nos civilisations avaient dépassé les grands fléaux du passé. Peut-être étions-nous trop insouciants ? Car ce que nous vivons est bel et bien un fléau historique, une grande privation collective, un véritable deuil sociétal.
Toute l’Humanité est confrontée à une même adversité, malgré les privilèges de certains. Le virus nous ramène à notre commune condition mortelle et souffrante. On ne peut rester plus longtemps dans une certaine forme de déni, de non-dit subtil mais réel, de ce grand deuil collectif. Nous avons besoin de passer par toutes ses étapes, dont la première est la reconnaissance publique de la réalité de la perte.
Un rituel ancestral
Le rituel du deuil est une des premières traces anthropologiques de l’Humanité. Dès l’aube de notre espèce, on enterre les morts avec d’infinies précautions, on déduit des rituels élaborés et on ne peut que ressentir que, déjà, on pleure celui ou celle qui s’en va. On peut dire sans erreur que ce qui fonde notre humanité, ce qui nous rend humain, c’est notre considération pour le caractère unique de l’individu. Cela implique la reconnaissance de la perte irrémédiable que constitue un décès, pour le reste de la société. Nous sommes des êtres de relation, de rituel et de récit collectifs. Le deuil collectif est nécessaire pour maintenir soudée une société, une tribu, une organisation, une famille, un couple, un pays.
La trame sociétale a été déchirée pendant de trop longs mois par le confinement, par l’absence de présence aux côtés des mourants et des souffrants, par la solitude, par la tristesse et l’angoisse, par l’oubli. De nombreux processus de deuils ont été saccagés par les circonstances, n’ont même pas commencé. Autant de bombes à retardement psychologiques, sociales et politiques. Certains pans de la société courent le danger de se réveiller méconnaissables, frustrés, pleins de rancune.
Une cohésion sociale nécessaire
Jamais peut-être dans l’histoire moderne de la Belgique, y a-t-il eu autant de morts civils au cours d’une seule année. Il y a toujours eu des virus et des épidémies certes. Mais les pandémies de caractère mondial n’ont émergé que depuis que nos sociétés sont mondialisées. La fréquence des pandémies augmente depuis que nos interactions avec la faune et les virus sauvages sont devenues insoutenables. La vitesse des déplacements internationaux favorise la contamination internationale. Malgré des pronostics scientifiques très précis, nous avons été pris au dépourvu, désarmés, dès l’entame de la pandémie, et jouons encore perpétuellement un coup en retard. La pandémie de grippe espagnole de 1918 n’a pas fait l’objet de suffisamment de prise d’acte à l’époque, d’études scientifiques, de reconnaissance officielle, de cérémonies de deuil nationales, ni de monuments alors qu’elle a tué plus que la Première Guerre mondiale. Ce déni sociétal s’expliquait par la proximité de la guerre mais est fâcheux car la mémoire de nos populations n’a pas suffisamment intégré le risque pandémique. On voit qu’en Asie, des pays récemment frappés par d’autres virus à caractère pandémique ont pu déployer plus rapidement et mieux les contre-mesures pandémiques, avec davantage de cohésion sociale. La mémoire collective, qui s’incarne dans des institutions comme les universités, les administrations, les institutions sanitaires de lutte contre les virus et la création culturelle en général, est ce qui permet aux sociétés de ne pas reproduire les mêmes erreurs et de ne pas se retrouver désarmées face aux incertitudes et aux fléaux. La mémoire sociétale est un instrument de résilience collective. Sans célébration de deuil national, et sans construction, à terme, par exemple, de monuments aux morts et aux victimes, sans création d’institutions de veille, de détection, de préparation et de lutte contre les pandémies, nous serons encore pris au dépourvu lors des prochaines pandémies, fortement probables.
Trouver le réconfort dans la solidarité nationale
Victimes comme les autres à différents degrés, nous souhaiterions proposer une démonstration nationale de solidarité envers ceux qui souffrent au sein de la population, en particulier les plus vulnérables. C’est pourquoi nous demandons aux chefs d’exécutifs et d’assemblées du pays d’examiner l’opportunité de décréter une journée ou une semaine de deuil national pour les plus de 20.000 morts de la pandémie. Ceci afin que notre société puisse reconnaître et pleurer ceux qui sont partis, reconnaître et exprimer collectivement ses souffrances, trouver le réconfort dans la solidarité nationale, et récupérer un peu d’énergie vitale afin de continuer à lutter, ensemble, contre la pandémie. Le deuil est une étape nécessaire pour nous permettre de tourner notre regard, avec détermination, vers l’avenir. Concrètement, il s’agit d’organiser ce rituel de deuil national : discours officiels, drapeaux en berne, appel aux citoyens à allumer une bougie et afficher un drapeau en berne, minutes de silence dans les assemblées, propositions de cérémonies citoyennes de recueillement, où l’on donne la parole aux victimes, en particulier les plus vulnérables (dans le respect des règles actuelles, virtuellement si nécessaire).
Nous devons reconnaître ce qui nous arrive en tant que société, si nous voulons rester humains et du côté de la vie. Il ne semble y avoir que de mauvaises raisons pour reporter davantage cette étape de deuil indispensable pour la société.
Ressusciter la convivialité nationale
Les rituels de deuil accompagnent la mort et la souffrance de la perte. D’autres rituels célèbrent la vie et la joie du vivre ensemble. C’est pourquoi, et même si cette perspective nous paraît encore éloignée, nous demandons également aux responsables politiques et de la société civile de lancer, dès que la situation sanitaire le permettra, des processus populaires pour recoudre le tissu sociétal, des fêtes pour ressusciter la convivialité nationale, des dialogues pour rétablir la confiance entre les citoyens et les élus. Nous pourrions alors honorer les victimes dans une vraie chaleur humaine. Nous pourrions alors affirmer notre détermination à refaire ensemble société, à construire ensemble une existence plus heureuse, en meilleure santé, plus juste, plus soutenable et plus prospère.
*Signataires :Paul Blume, agent de la fonction publique retraité, Observatoire de l’Anthropocène ; Gauthier Chapelle, auteur et chercheur in-Terre-dépendant ; Philippe Defeyt, économiste (Institut pour un Développement durable), ancien président du CPAS de Namur ; Linda Delory, formatrice en Ecopsychologie et Transition Intérieure, facilitatrice de cercles de deuil ; Olivier De Schutter, juriste, rapporteur spécial de l’ONU sur l’extrême pauvreté et les droits humains, professeur à l’UCLouvain ; Richard Duport, médecin généraliste, Docs4Climate – Health for Future ; Isabelle Ferreras, présidente de l’Académie royale des Sciences, des Lettres et des Beaux-Arts de Belgique, professeure à l’UCLouvain ; Paul Jorion, anthropologue, sociologue, essayiste et psychanalyste, professeur associé à l’Université Catholique de Lille ; Marc Lemaire, entrepreneur, Coalition Kaya ; Corinne Mommen, animatrice à Terr’Eveille et Humus asbl ; Gabriel Ringlet, prêtre, écrivain, poète et théologien, professeur émérite de l’UCLouvain ; Maye Vandenbussche, médecin généraliste, Centre de Médecine générale Tombu à Bruxelles ; Jean-Pascal van Ypersele, climatologue, ancien vice-président du GIEC, professeur à l’UCLouvain ; Vincent Wattelet, écopsychologue, Mycélium et Terr’Eveille ; Arnaud Zacharie, secrétaire général du Centre national de Coopération au développement (CNCD).
Voici tout d'abord l'affiche que vous n'aviez pas vue, que j'avais envoyé comme gag à Nadine.
Je trouve que cela ne convient pas car ça donne
une image du psychanalyste en position de surplomb
Voici maintenant l'affiche retenue, avec les espaces de textes sans transparence.
Je trouve que cela ne va pas. Cela fait un à plat très moche
Encore sans transparence
Comme on le voit, cela donne mieux en, laissant la transparence
Encore avec transparence
Si l'on retient la transparence, ma proposition serait alors cette affiche-ci
Est-ce qu’on peut tomber amoureux de son psy. Et si oui, que se passe-t-il ?
[GENERIQUE]
La relation psychothérapeutique est d’une grande intimité. A la fois parce que le patient dit des choses qu’il n’a peut être jamais dit, qu’il ne S’EST peut être même jamais dit. Mais aussi parce qu’il est écouté avec une bienveillance qu’il n’a peut-être jamais rencontrée.
Cette intimité, cette proximité peut l’amener à des sentiment amoureux vis à vis de son ou de sa psy.
Alors, si le psy est correctement formé, il accueille cela comme le reste de ce qui se passe dans la séance et dans la vie de son patient, lequel va peu à peu interpréter ce mouvement amoureux et le comprendre. Il va faire des liens entre son histoire et cet amour-ci et sans doute d’autres amours encore. Ou réaliser à quel point cette inclinaison est une bifurcation, une résistance à la thérapie Ou comprendre ce qui l’amène une fois encore à un amour impossible (son psy) plutôt que d’être à même d’aller vers un partenaire bienveillant. Et de voir qu’une telle personne peut exister. Oui, dénouer tous ces nœuds cela prend du temps… Et c’est justement le fait que le psy accepte cet amour mais s’abstienne d’y répondre favorablement qui contribue à dénouer l’imbroglio, les difficultés pour lequel vient le patient.
Dans un autre cas de figure, c’est le psy qui serait amoureux de son ou sa patiente, ou qui la séduirait. Soyons clair, c’est un abus et une faute professionnelle grave qui de plus empêche la thérapie. Le groupement auquel est affilié le psy dispose d’un comité d’éthique qui, dans cette situation, peut aider le patient et sanctionner le psy.
Situation plus rare : il arrive que patient et psy tombent mutuellement amoureux l’un de l’autre. Cet amour dure ce que durent les amours, mais ce qui est clair c’est que la relation thérapeutique prend fin. Il n’y a aucune illusion à avoir sur ce plan.