Sommes nous tous névrosés ?

Sommes nous tous névrosés ?

Les psy seraient tous dingues et à les écouter on le serait aussi. Psychopathe? Psychotique? Névrosé? C’est quoi tout ça?

Alors, est-ce que nous sommes tous névrosés? J’ai une bonne nouvelle et une mauvaise nouvelle.

La mauvaise nouvelle, c’est qu’effectivement la plupart d’entre nous , nous sommes névrosés. La bonne nouvelle , c’est qu’il y a bien pire
Petit cours de psychopathologie accéléré en 30 secondes
Il y a d’abord les psychopathes. Pour eux, la loi n’a aucune importance , ils outre passent la loi. Les psychopathes, ce sont les mafieux, les financiers sans scrupule, les petites frappes…
Quand il a un conflit intérieur, le psychopathe le règle par des actes et il ne souffre pas. Il ne va jamais consulter un psy. La vie, pour lui, du moment qu’il arrive à faire sa loi, tout va bien

A l’inverse, le psychotique souffre terriblement: il s’imagine être Napoléon, que la terre est plate, qu’une voix lui dit quoi faire ou qu’un vaccin lui injecte une puce 5G… Donc, il s’imagine un monde qui est loin du monde de la réalité, disons de la réalité telle qu’elle est communément perçue. Bien sûr, le psychotique peut avoir une vie sociale et Internet lui facilite la tâche car les réseaux sociaux l’aident à être en contact avec d’autres personnes qui croient que la terre est plate.
C’est plus compliqué s’il entend des voix qui lui disent d’aller égorger son médecin parce qu’il lui a proposé une vaccination.
Mais dans l’ensemble, le psychotique par ses délires, il souffre terriblement: il est persécuté, ou il y a un vrai vacarme de personnages dans son esprit. Et ça c’est horrible. On parle de la folie grandiose des artistes, mais ça c’est un mythe parce que la folie, ça fait mal, c’est terriblement douloureux. Si vous voulez lire un bouquin qui en parle, prenez A la folie de Joy Sorman, elle montre bien à quel point, la psychose est une douleur intense qui va souvent nécessiter médicaments et soins particuliers.

Et puis, voilà, il y a les névrosés. Vous et moi
Ce qui est compliqué pour nous, ce sont nos conflits intérieurs entre ce que l’on veut, ce que l’on veut à moitié, ce que les autres veulent pour nous. Et çà se mélange, ça mène une bataille, ca s’entre-choque en nous.
Alors, est-ce qu’il faut absolument faire une psychothérapie ou une psychanalyse? Bien sûr que non . Ça vaut la peine si l’on a le sentiment de toujours faire les mêmes erreurs, de tomber chaque fois dans les mêmes ornières. Si on a l’impression de ne jamais rien savoir décider, de n’avoir jamais assez de preuve d’amour, ou de tourner en rond… Si on arrive pas à donner le moindre sens à notre vie. Alors, ça vaut la peine. Mais sinon, on se débrouille, on fait avec et on avance

Procrastiner…

Procrastiner…

Procrastiner, c’est ne pas décider. Or dans la vie, il faut choisir et donc décider. Mais l’avenir est plein d’inconnues, donc d’angoisses.

Nous sommes tous inquiets devant l’inconnu, habités de nos désirs (sont-ils légitimes?) et pressés par les attentes de ceux qui nous entourent : nos parents, notre conjoint, notre patron, etc. Arriver à faire le tri et à choisir ce que l’on veut faire de sa vie – quitte à déplaire, c’est nécessaire.

Arriver à déterminer ses priorités c’est également nécessaire, car malheureusement nous n’avons qu’une vie et nous ne pouvons donc pas tout faire.

Pour cela, on pèse le pour et le contre, on examine ce qui est important et ce qui l’est moins et ensuite on tranche.
Celui qui procrastine ne se contente pas d’une bonne solution, il cherche LA meilleure solution, celle qui ne comporte aucun inconvénient. Et bien sûr, elle n’existe pas car toute décision a ses inconvénients.

Donc, celui qui procrastine attend, cherche, réfléchit, réfléchit encore… On ne pourra jamais lui reprocher d’être très très attentif… Une attention qui, en fait, a pour fonction d’estomper l’angoisse… Mais pendant ce temps là, notre procrastinateur oublie que ne pas décider, c’est décider : c’est laisser les autres ou les événements décider à notre place. ET ça, c’est vraiment dommage…

Le procrastinateur a un frère, celui qui veut tout faire… Donc il fait tout à moitié c’est à dire qu’il ne fait rien car lui non plus n’arrive pas à choisir. Il aura toujours la bonne excuse de dire qu’il aurait pu VRAIMENT faire ceci ou cela. Effectivement, il aurait pu mais il aurait fallu choisir entre ceci et cela.

Ah choisir, Ah décider…

Le 10 janvier 49 avant notre ère, Jules César hésite à marcher sur Rome. Il s’arrête devant le Rubicon, le fleuve qui marque la frontière de l’Italie de l’époque. Il hésite, il réfléchit, interpelle ses soldats : «Mes Soldats, mes braves, il est encore temps de faire demi tour car une fois passé ce pont il sera trop tard ». Lui aussi, il est face à son angoisse
Finalement, il tranche « En avant, ! Alea Jacta est ! ». Son interjection qui veut dire « Le sort en est jeté » rappelle que dans toute décision, il y a toujours une part de hasard, une part qui ne pourra être maîtrisée.
Plutôt que de lambiner sur la berge, malgré les interdits du sénat romain, les difficultés qui l’attendent, il franchit le Rubicon. Non pas de manière aveugle, non pas en jouant à pile ou face, mais après avoir mûrement réfléchi.
La route sera longue, il lui faudra encore quatre ans, plusieurs batailles avant de devenir maître de Rome…. Car quand il s’agit de choisir, il s’agit aussi de forger son choix.

L’avis de Fabrice Luchini sur la psychanalyse

L’avis de Fabrice Luchini sur la psychanalyse

Le 3 mars 2016, à l’initiative du Figaro, Fabrice Luchini répondait à la question du public. Quelqu’un lui demanda « Que pensez-vous de la psychanalyse ? »

– Oh, je ne suis pas mauvais dans ce domaine-là. Comme dirait Woody Allen “ça fait quarante-et-un ans, ça va un peu mieux”. Alors, je vais vous répondre sérieusement. La psychanalyse ne fait aucun miracle, si vous êtes médiocre, mesquin, médiocre, libidinal, ça ne changera pas grand-chose. Ça ne change pas, il n’y a pas de transcendance dans la psychanalyse, ce n’est pas…, ce n’est pas christique la psychanalyse. La psychanalyse a une vertu, elle vous rend plus… praticable pour les autres, parce que vous transférez toutes vos angoisses sur un monsieur qui est payé pour écouter et, à un moment, vous faites un travail sur vous-même et vous arrêtez d’utiliser l’autre en le manipulant pour être un spectateur enfermé et prisonnier. Vous découvrez le miracle de Lévinas, c’est que l’autre n’est pas là pour vous aimer ou pour être subjectivisé par vous, il est là en tant que lui. L’hystérique, le séducteur, l’homme de parole, l’homme de théâtre, l’homme politique, ont un don pour avoir un pouvoir sur les gens. Et les gens en sont réduits à être des oreilles. La psychanalyse fait que tu commences à te débarrasser de toutes ces grosses névroses manipulatrices, et l’autre t’apparaît tel qu’il est, et t’essayes de le…, de l’embêter le moins possible. Pour moi, ça a été une école d’altérité. Avant, j’étais un personnage qui prenait…, alors, allez-vous dire, c’est pareil ; oui, je prends beaucoup de place, mais là c’est normal. Mais je ne suis pas comme ça toute la journée. Quand je rentre chez moi, je suis complètement normal, je regarde C dans l’air à six heures moins dix, je fais le petit potage, je promène ma chienne. Les gens disent “vous n’êtes jamais dans les journaux people”, mais qu’est-ce que la vie de Fabrice Luchini aurait envie de donner rêver ? Il passe son temps avec sa chienne, il marche, il regarde C dans l’air et il écoute Bach. Donc, en un mot, la psychanalyse n’est pas miraculeuse, et elle permet de…, d’alléger la folie embarrassante et de devenir plus adulte, plus responsable, et d’avoir des rapports plus attentifs aux autres, car l’autre n’est plus réduit à être un objet de convoitise.

 

 

 

Le psy et ses notes

Le psy et ses notes

Dans la série « En thérapie », le Docteur Dayan dit ne pas prendre de notes:
– 10:30 : – En séance, etc… – vous ne prenez jamais de note ?
-Jamais, non
– Ah ben c’est curieux, ça…

Est-ce que c’est si curieux ?
Pourquoi, je ne prends pas de notes ou quasi pas de notes et que beaucoup de collègues font de même ? Il y a deux raisons
D’une part, la mémoire nécessaire à notre travail n’est pas séquentielle ni même organisée mais bien « flottante », et un élément significatif de l’histoire de mon patient reviendra à point nommé au détour d’une séance. C’est bien une des choses que l’on apprend au cours de notre (longue) formation : écouter de manière très particulière avec un cerveau qui n’a rien d’un disque dur.
La seconde raison réside dans une règle très simple, condition de possibilité de notre travail : « Tout ce qui se dit ici reste ici ».
S’il nous arrive donc de prendre note, ce sera tout au plus sur du papier avec un crayon et d’une écriture suffisamment indéchiffrable pour que le propos reste secret.
Mais certains voudraient voir les choses changer et les pressions se font multiples pour que les psy tiennent des dossiers, des dossiers informatisés.
Et là, nous avons un vrai problème. Tout simplement parce que toute donnée qui se trouve sur un serveur sera un jour publique. et cela pour trois raisons.

  • Tout d’abord, il y a les cyberattaques. Plus de 1.000 intrusions l’an dernier en France. Et là, que le service hospitalier paye ou non la rançon, les données sont dans la nature.
  • Second problème : les hôpitaux vendent nos données à des firmes commerciales en les anonymisant. Mais les chercheurs ont pu montrer que l’anonymisation des données était un leurre.
  • Troisième problème : nous assistons à une concentration des données dans ce que l’on appele « les nuages » où elles sont « sois-disant » anonymisées et de plus soumises aux bugs et indiscrétions. les exemples ne manquent pas. Ces données sont rassemblées parfois dans des entreprises peu connues du grand public ou chez les ténors du secteur :  Azure de Microsoft ou Nightingale de Google, Amazon Web Services ou Apple etc.

Et que disent les responsables, prenons par exemple le vice-président du Health Data Hub français :  « Donner son sang, c’est aider son prochain ; il en est de même du partage de ses données de santé. Les partager à son équipe soignante, c’est être mieux soigné ; les partager pour tous, c’est permettre que l’ensemble de nos concitoyens le soient aussi. »
Alors moi, je n’ai pas d’objection à ce que mon groupe sanguin soit public ni les radios de mon bras cassé. Mais qu’en est-il de ma séropositivité VIH ? De l’IVG pratiquée à l’insu de mes parents ? De la tentative de suicide lors de mon adolescence ? De la dépression survenue quand j’ai perdu mon boulot…  Vous imaginez toutes données bientôt à l’air libre elles aussi ?
C’est inacceptable.

  • Voilà pourquoi j’invite mes collègues à entrer en résistance et à se refuser à toute informatisation de ce qui relève du domaine de la santé mentale. Personne n’a même besoin de savoir que Monsieur Dupont est un jour venu me voir.
  • Voilà pourquoi les patients ne doivent pas consentir à des dossiers informatisés dans les domaines qui relèvent de leur intimité.
  • Voilà aussi pourquoi la gestion des données personnelles en matière de santé doit faire l’objet d’un débat nettement plus public et éclairé qu’il ne l’est actuellement.

MAJ 13-07-22

Des médecins dénoncent des assurances hospitalisation plus chères en cas de suivi psychologique
RTLINFO avec l’agence Belga, publié le 13 juillet 2022 à 06h54

Les personnes qui suivent ou ont suivi un traitement par un psychologue ont parfois plus de mal à obtenir une assurance ou doivent payer une prime plus élevée, affirme l’association flamande des psychologues cliniciens (VVKP) dans De Morgen mercredi.

Celle-ci donne en exemple un client qui a dû payer une prime plus élevée en raison de son arachnophobie. Le VVKP observe également, au cours des derniers mois, un nombre sensiblement plus élevé de rapports concernant des personnes hospitalisées en psychiatrie et qui ont ensuite des difficultés à contracter une assurance hospitalisation ou doivent payer des primes plus élevées.

La fédération sectorielle des assureurs, Assuralia, affirme cependant qu’elle n’a pas connaissance de cas qui concernent une thérapie avec un psychologue. « Ce n’est le cas que pour les maladies mentales graves telles que la schizophrénie ou la psychose », indique-t-elle.

Le ministre de l’Économie Pierre-Yves Dermagne (PS) veut quant à lui étendre le « droit à l’oubli » -selon lequel les assureurs ne peuvent plus tenir compte de l’historique d’une maladie- à diverses maladies chroniques. « Il est possible que les maladies mentales soient également prises en compte dans ce domaine », ajoute-t-il.

Vivalia et l’euthanasie du secret médical

Vivalia et l’euthanasie du secret médical

Carte blanche – Publiée initialement dans Le Soir

La cyberattaque du groupe hospitalier Vivalia rappelle au grand public à quel point ce qui est dans un réseau informatique est en réalité à l’air libre. Déjà en 2017, nous étions alertés par le fait que des hôpitaux vendaient des données médicales à des firmes commerciales. Il nous fut répondu que ces données étaient anonymisées. Depuis lors les chercheurs ont pu montrer que l’anonymisation des données était un leurre. En France, la concentration des données médicales au sein d’Azure-Microsoft a provoqué un tollé et une remise en question de cette concentration. Aux USA, via son projet Nightingale, Google récolte déjà les données de quantité de patients ; Amazon ou Apple ont des programmes similaires.
Je n’ai pas d’objection à ce que mon groupe sanguin soit public ni les radios de mon bras cassé. Mais qu’en est-il de ma séropositivité VIH ? De l’IVG pratiquée à l’insu de mes parents ? De la tentative de suicide lors de mon adolescence ? De la dépression survenue quand j’ai perdu mon boulot… Toutes données bientôt à l’air libre elles aussi.
Car oui, que Vivalia paye ou non la rançon… peu importe, les données sont dans la nature. Qu’il s’agisse de hackers ou de business, d’un groupe hospitalier ou d’un autre… peu importe, tôt ou tard les données sont à la disposition d’un employeur, d’un assureur…

Un marché de 200 milliards d’euros
Au plan international, 4.000 courtiers en données (datas broker) s’affairent sur un marché évalué à 200 milliards d’euros. Données qui relèvent notamment de notre intimité, de notre santé mentale.
Dans la série « En thérapie », le Docteur Dayan, indique qu’il ne prend pas de notes. Et c’est effectivement ainsi que beaucoup de psychothérapeutes procèdent, et ce pour deux raisons.
D’une part, la mémoire nécessaire à notre travail n’est pas séquentielle ni même organisée mais bien « flottante », et un élément particulier reviendra à point nommé au détour d’un souvenir. C’est bien une des choses que l’on apprend au cours de notre (longue) formation : écouter de manière très particulière avec un cerveau qui n’a rien d’un disque dur.
La seconde raison réside dans une règle très simple, condition de possibilité de notre travail : « Tout ce qui se dit ici reste ici ».
S’il nous arrive donc de prendre note, ce sera tout au plus sur du papier avec un crayon et d’une écriture suffisamment indéchiffrable pour que le propos reste secret.

Des pressions multiples
Mais les choses changent et les pressions se font multiples pour que les psys passent eux aussi aux dossiers informatisés.
Ainsi par exemple, le Ministre de la Santé déclarait dans Le Soir du 15 février qu’« Il est en effet demandé aux psychologues cliniciens de partager un rapport avec le médecin généraliste du patient. » « Pour nous, ajoute-t-il, cette condition était absolument évidente et essentielle. C’est ce qu’il se passe dans les soins de santé somatique. Le patient est indivisible ; les aspects ayant trait à la santé mentale et somatique sont intimement connectés. ». C’est hélas, surtout les donnés qui sont très « intimement connectées »…
Voilà pourquoi j’invite mes collègues à entrer en résistance et à se refuser à toute informatisation de ce qui relève du domaine de la santé mentale. Personne n’a même besoin de savoir que Monsieur Dupont est un jour venu me voir.
Voilà aussi pourquoi la gestion des données personnelles en matière de santé doit faire l’objet d’un débat nettement plus public et éclairé qu’il ne l’est actuellement.

Vincent Magos, Psychanalyste – Dernier ouvrage : Résister à l’algocratie, Ed Fabert, mars 2022.

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