Poutine est mort
Son entourage sous le choc.
Le bureau politique se réunit. Ils sont tous là, la mine sombre. Vous les imaginez, ils sont tous là. Tous avec la même crainte, la même question :
Comment est-ce qu’on va LUI annoncer cela ?
Cette vieille blague Soviétique, on la racontait à propos de Staline. Ces derniers jours j’ai été relire « Le communisme est-il soluble dans l’alcool ». Très drôle. Mais ce qui est nettement moins drôle, c’est de réaliser que toute les plaisanteries qui se racontaient sur Staline, Tito, Ceucescu sont d’une incroyable actualité. Comme si en Russie, rien n’avait changé.
Dans une famille quand il y a eu des choses louches ou graves. Des abus, des malversations… et que ces saloperies sont tues, cachées sous un tapis de roses car, oui, tout va bien Madame la marquise… Alors, il y a de grandes chances que la famille tourne mal, reproduise les saloperies, engendre de la folie. On ne sort de l’horreur qu’en la reconnaissant, en la nommant.
D’où mon interrogation : la sois-disant dénazification de l’Ukraine ne serait-elle pas le déni d’une indispensable déstalinisation de la Russie. Car à côté de la victoire sur Hitler combien de personnes furent-elles massacrées par Staline, combien de familles détruites ? Combien de villages affamés ? Etc…
Silence, passez votre chemin, il n’y a rien à voir.
Serait-ce un hasard si au même moment le Kremlin ferme l’ONG Mémorial ou qu’en Ukraine sont bombardées les archives de Chernihiv qui concernaient notamment la période soviétique.
Alors, quand il faut fermer les yeux et se taire, le risque est grand de sombrer dans la dépression, dans l’autodestruction, la boisson par exemple tant est insupportable le sentiment d’impuissance.
Mais c’est alors que l’humour permet un sursaut.
Car l’humour met la vérité des choses en pleine clarté tout en la masquant en même temps. Et c’est bien cet éclair de lumière qui nous fait jubiler et nous donne envie de partager cette jubilation.
Car l’humour est à la fois intelligence mais aussi partage et crée donc de la sociabilité, de la solidarité. Même au milieu de l’horreur, ce partage joyeux est le meilleur des antidépresseurs.
Dans son texte « Pourquoi la guerre ? » Freud n’est pas très optimiste, mais il termine néanmoins en affirmant que « Tout ce qui œuvre au développement culturel œuvre également contre la guerre ». Voilà pourquoi aujourd’hui le rôle des artistes est à ce point important, ils créent des liens entre les personnes, entre les cultures, entre les générations. Voilà pourquoi aujourd’hui le rôle des humoristes est aussi tellement important car un joyeux trait d’humour circule gratuitement, à toute allure et par delà les frontières. Un court moment, il lève la chape de plomb et montre ainsi, qu’il y a du jeu, du possible.
Emmanuel Macron téléphone au Comité Nobel Norvégien : « On est presque au bout des négociations. Poutine veut le prix Nobel de la Paix. Faites un geste s’il vous plaît, ça ne coûte rien et la guerre sera terminée. »
Cinq minutes plus tard coup de fil de Joe Biden : « Oui, je sais j’ai dit que c’est un boucher et je continue de le penser, mais la diplomatie, c’est la diplomatie. Be cool, donnez lui ce prix et qu’on en finisse avec cette guerre.
Quelques instants plus tard, Xi Jin-ping est au téléphone : Voyez large, donnez-lui ce prix, la guerre sera terminée. De toutes façons, nous, on va bouffer ce pays et calmer le monde.
Le Comité Nobel se réunit, les discussions sont de plus en plus passionnées.
– Et notre honneur, là dedans ! On a jamais eu de telles pressions. On ne va pas se laisser bafouer comme cela !
– Mais la fin de la guerre estdans nos mains
Etc, etc.
Jusqu’au moment où, au bout de la table, le juriste qui compulsait le règlement dit : « Désolé, nos textes sont très clairs. Notre prix concerne les guerres, pas les opérations spéciales »
A vous d’ajouter vos histoires en commentaires.
MAJ du 29/04/23 : Sur Desk Russie, Raimondo Lanza indique que « Comme à l’époque soviétique, le pouvoir russe ne tolère pas l’humour si celui-ci n’est pas conforme à l’idéologie du Kremlin. En s’appuyant sur des lois liberticides, la plus récente ciblant toute « discréditation de l’armée », le régime de Poutine étouffe tout ce qui s’écarte du discours officiel, même s’il s’agit d’ironie. Entre un comédien banni à vie et des citoyens ordinaires poursuivis pour avoir raconté une blague, les Russes vivent dans un régime de plus en plus orwellien. »
Le concours pour la meilleure blague politique est ouvert : le premier prix sera dix ans de prison, cinq ans pour le deuxième et trois ans pour le troisième.
On traite Poutine de paranoïaque. Qu’est ce que ce diagnostic signifierait et quelles en seraient les conséquences ?
En fait, nous ne faisons jamais de diagnostic à distance concernant une personne que nous n’avons pas pu rencontrer. Et comme vous vous l’imaginez, je ne n’ai pas rencontré Monsieur Poutine.
Mais essayons d’avancer quand même. Il faut savoir qu’il y a un continuum entre normal et pathologique. On est pas soit l’un soit l’autre. Nous sommes tous un peu troublés, parfois plus, et parfois très fort.
Et si l’on prend la paranoïa, un de ses traits majeurs est la méfiance. Nous avons tous de bonnes raisons de nous méfier un peu, c’est pourquoi dans une grande ville contemporaine, nous ne laissons pas notre portefeuille sans surveillance. Car oui, il y a des voleurs.
D’autres se méfient nettement plus. Ils trouveront à exercer leur méfiance dans des métiers qui exigent ce trait de caractère : agent secret, contrôleur fiscal, juge, inspecteur de police, etc.. D’autres, se lanceront dans des passions comme le font les complotistes.
Mais parfois cela prend des proportions fanatiques, délirantes, totalement hors réalité. Et s’il n’arrive pas à convaincre son entourage, le paranoïaque sera parfois amené à s’isoler car son égo est sur dimensionné, il se drapera dans son orgueil : « j’ai la vérité, j’ai découvert ceci ou cela mais personne ne veut me croire » Le paranoïaque n’a aucun doute de son interprétation du monde et va engranger toute nouvelle information dans le sens de cette vision.
S’il est persuadé que ses voisins lui veulent du mal, on l’entendra dire « A 22h05, ils ont claqué la porte, ils savent que je vais me coucher tous les soirs à 22h00. // Vous voyez, il est venu se garer devant chez moi, il veut me provoquer. » etc. Le moindre signe est interprété dans le sens du délire.
Et comme le paranoïaque ne doute aucunement de lui et peut parfois être très intelligent, il va passer un temps fou à rassembler des éléments ou un dossier qui aura une cohérence interne et viendra conforter SA vision du monde. « Avec toutes ces preuves, vous voyez bien que j’ai raison ! » Mais les « preuves » ne sont qu’une immenses somme d’arguments agencés d’une certaine manière. D’une manière qui est indiscutable pour lui.
Car aucun autre argument ne va faire changer d’avis un paranoïaque. C’est peine perdue que d’essayer d’être rationnel. « Si vous me dites que la terre n’est PAS plate, c’est que vous faites partie du complot, idem si voulez me faire croire que ce n’est pas la franc-maçonnerie ou les pédophiles qui dirigent le monde. »
Bref, Il n’y a pas moyen de discuter avec un paranoïaque. Le plus confortable c’est de l’éviter et j’irais jusqu’à dire le fuir si vous êtes pris pour le mauvais objet, pris pour cible. Le conjoint, le voisin, le collègue en ligne de mire du paranoïaque vit un enfer, d’où l’idée de fuir plutôt que d’essayer d’argumenter.
D’autant qu’en plein délire, le paranoïaque peut devenir dangereux parfois pour lui-même mais plutôt pour les autres, jusqu’à aller à l’homicide.
Comme il ne se remet jamais en question le paranoïaque ne va PAS consulter. Sa souffrance n’est pas vécue comme intérieure, c’est les autres qui le persécutent. S’il s’enfonce dans son délire il peut devenir dangereux. Pour être stoppé, le paranoïaque sera hospitalisé sous contrainte ou emprisonné… quand il est trop tard.
Alors, revenons à la question de départ : Poutine, paranoïaque ?
Comme je l’ai dit : pas de diagnostic. D’autant qu’il n’y a pas un homme seul devant un bouton – ca c’est un fantasme d’enfant. Depuis le gradé qui donne l’ordre de lancer un missile jusqu’au soldat qui tire sur un civil désarmé nous sommes face à de nombreuses responsabilités individuelles qui devront rendre des comptes un jour.
Plutôt que de voir un paranoïaque, ce serait plus juste de parler d’un système paranoïde. Et tout système implique un minimum d’hétérogénéité, donc d’interstices.
Ou pour donner une image, on pourrait parler d’une vaste machine aux nombreux rouages dans lesquels peuvent donc se glisser une multitude de grains de sables.
Et ces grains de sable, bien sûr c’est la résistance ukrainienne ou les sanctions mais c’est aussi la foule d’initiatives personnelles : ceux qui démissionnent ou désertent ou protestent: nous avons tous vu le courage extraordinaire de Marina Ovsiannikovaqui interrompt le journal télévisé, mais il y a d’autres citoyens comme cette femme qui se fait arrêter parce qu’elle présente une simple page blanche.
Dernier exemple: Squad303, un groupe d’Anonymous polonais qui a créé un système permettant à n’importe qui dans le monde d’envoyer un mail, un texto, un WhatsApp à un Russe tiré au hasard ou même de lui téléphoner. Des messages que nous pouvons personnaliser.
Je vous laisse leur adresse : 1920.in
Les enfants posent – ou parfois n’osent pas poser – des questions concernant les guerres, attentats, catastrophes…Et de leur côté, les parents et enseignants se demandent s’il faut leur en parler et, si oui, comment ?
On me demande parfois un conseil de lecture, un livre psy ou de développement personnel.
Finalement, est-ce utile ?
En fait, je ne pense pas que les livres psy aident beaucoup….Pourquoi ?
Parce SOIT c’est un mode d’emploi et je peux vous garantir qu’il n’y a pas de mode d’emploi pour la vie.
SOIT, ils donnent l’espoir de trouver un éclairage à l’extérieur de soi alors que c’est surtout en soi qu’on peut le trouver.
– Bien… Mais je ne vais pas vous laisser en plan.
Dans les parutions récentes, je vous suggère le livre d’Anne Berest : La carte postale.
Dans ce livre, l’auteur nous emmène en randonnée dans son histoire et dans celle des générations antérieures.
A la recherche de ses origines, elle pose des questions à sa mère, répond à sa fille, discute avec sa sœur, plonge dans les archives…
Et quand elle se retrouve dans une impasse, elle fait demi-tour, prend une autre route… et peu à peu les choses s’éclairent. Pas tout, bien sûr.
Lire de tels romans invite à repenser à notre propre histoire… Au détour d’un paragraphe, reviendra peut-être un de nos souvenir ou une question. « Tiens, pourquoi mon frère a-t-il ce second prénom ? Celui de cet oncle marin. Qu’est-il devenu, celui-là»
Ou encore « J’ai complètement oublié ce village où nous avons vécu quand j’étais en maternelle ». Pourquoi cet oubli?
« Il me semble que c’est l’année où son père est décédé que ma mère a fait une fausse couche et deux ans après ma petite sœur est arrivée, et… » Des bribes de souvenirs reviennent
« Il faudrait que je demande à maman… »
Parfois la question est posée la semaine suivante, ou l’année suivante ou trois ans plus tard. Les questions doivent faire leur chemin en nous.
Avec un patient, je peux moi aussi m’étonner : « Vous aviez 5 ans et vous n’avez rien demandé à votre grand mère ? Les enfants sont curieux pourtant »
« Oui, c’est vrai, c’est bizarre. »
Il arrive qu’une question ferme un visage et qu’il faille chercher ailleurs.
Parfois cette question n’attendait que d’être posée pour que s’éclaire une ombre.
Parfois on apprend rien mais la conversation a changé la qualité de la relation, elle est devenue plus personnelle.
Les romans, les mots et les histoire des autres, nous invitent à vagabonder dans les recoins de nos vies, à relier des souvenirs anciens avec notre présent.
Tiens, oui, il y a peut-être un lien entre cette colère qui me dépasse ET ce moment où…
Mais pourtant aujourd’hui, je suis adulte, je ne suis plus cet enfant blessé…
Ah ça m’énerve…
Dites…
Si on se laisse aller, beaucoup de récits peuvent nous faire réfléchir à nos vies.
Je pourrais aussi vous proposer de lire Lignes de faille de Nancy Huston ou L’art de perdre d’Alice Zeniter. Je mettrai les références en dessous de la vidéo. Mais je vous suggère mieux encore: vous aussi mettez dans les commentaires les lectures qui vous ont éveillé.
Je suis certain qu’il y en a
S’aimer soi… un peu beaucoup, à la folie, pas du tout… c’est notre degré de narcissisme.
Qu’est ce qui se passe quand on s’aime à la folie?
Narcisse est donc ce personnage mythologique qui se regarde dans l’eau du lac et se trouve beau. Si à ce moment là, fasciné par sa beauté, il continue de se pencher… Plouf !
Prenons un autre exemple. Dans sa série « La Meilleure Version de MOI-même », Blanche Gardin se marie avec elle même.
[Extrait de la série]
Ce qui est assez extraordinaire, c’est que le kit de mariage présenté dans la série existe vraiment. Toute la série est d’ailleurs consacrée aux folies narcissiques de notre époque.
– Sur le site I Married Me on retrouve des kit qui vont de 50 à 230$ avec des faire parts, des cartes de vœux, un déroulé de cérémonie et même un anneau. Ils disent « symbole de votre engagement envers vous-même, afin de vous rappeler (…) chaque jour de vous aimer vous-même ».
En français, cet anneau s’appelle une « Alliance » et ce n’est sans doute pas pour rien… Cela rappelle que vivre avec quelqu’un – mariage ou pas – dépasse la simple cohabitation, les arrangements pratiques, et implique de faire alliance avec ce quelqu’un. Et, ça, une fois la lune de miel terminée, ce n’est jamais une mince affaire !
Il m’arrive de dire à un patient: « Aï aï aï, c’est dur que l’autre soit un autre »
Aller vers l’autre sera toujours un risque: Au minimum celui de n’être jamais PARFAITEMENT compris. Celui que l’autre aie des habitudes, attentes, désirs,…différents
D’où la tentation de se dire que l’on est jamais mieux servi que par soi-même : masturbation ou simple consommation sexuelle. Là, aucun risque relationnel.
La série de Blanche Gardin est considérée comme « clivante » (Telerama – Paywall). Ce nouveau tic de langage signifie que certains sont Pour et d’autres Contre. Du coup, l’un et l’autre ne se parlent plus.
On pourrait dire que « clivant » c’est l’envers du « consensus mou ».
Une société ou de plus en plus de thèmes sont considérés soit comme du blabla soit comme « clivants » est une société où il devient difficile de faire alliance les uns avec les autres. Chacun reste dans sa tribu, se marie avec lui-même ou avec quelqu’un de sa secte. Plus d’alliances.
Et ce n’est pas sans danger car il y a un parallèle entre les différends avec les autres et nos conflits internes. Il ne faut pas oublier qu’en nous il y a un capitaliste, un anarchiste, un dictateur, un tendre-amoureux… Cette négociation entre différentes parties de nous est source de souffrance et demande à trouver les modalités d’alliances. Délirer est une solution pour éviter la souffrance. Délirer, c’est prendre des vessies pour des lanternes, des fake news pour des vérités. Et surtout ne pas en douter.
Dans la série, Blanche Gardin aboutit à l’hôpital psychiatrique. On peut hélas s’y attendre quand on s’aime à la folie.
Mais c’est nettement plus grave quand, dans la même veine, un leader politique entraîne une partie de son peuple dans son délire. Trump, par exemple… Il en est d’autres.
S’aimer à la folie? OUI, cela conduit aux folies. A l’inverse, il est important de quand même s’aimer assez. Jetez un coup d’oeil sur la seconde vidéo « S’aimer suffisamment » Et puis, si Vous avez des questions, utilisez les commentaires.