S’aimer soi… un peu beaucoup, à la folie, pas du tout… c’est notre degré de narcissisme.
En fait, c’est important d’en avoir un minimum de narcissisme.
Narcisse est donc ce personnage mythologique qui se regarde dans l’eau du lac et se trouve beau. Si à ce moment là, content de son image, il se lève… Alors, il peut partir vers la vie et rencontrer les autres.
Mais qu’est ce qui fait qu’il se trouve beau ?
Qu’est ce qui fait que quand nous nous regardons dans le miroir nous pouvons dire : « je fais du bon boulot, je fais ma part. Allez, zou, je poursuis ma route » ?
Comment comprendre cela ?
Eh bien – comme on peut s’en douter – cela prend son origine dans la toute petite enfance.
Au début, le bébé ne fait pas de différence entre lui-même et l’adulte qui s’en occupe.
Et quand l’adulte prend bien soin de lui, le petit croit donc que c’est lui-même qui produit la satisfaction de ses besoins.
Mais bien sûr, le sein, le biberon, la voix apaisante… n’arrivent pas toujours aussi vite qu’il voudrait. Alors dans un premier temps, le bébé va croire qu’il est – lui, à l’origine de ce malheur. Tout comme il pensait être la source de son bonheur quand il était satisfait.
Mais peu à peu, le bébé va apprendre à faire la différence entre lui et l’adulte dont les yeux, le visage, tout le corps deviennent le miroir de ses émotions.
C’est un miroir qui reflète. Qui donne un écho, on pourrait dire… Car les états internes de l’adulte ne sont pas identiques à ceux de l’enfant, il y a une différence et cette différence fait place à de l’autre. Un autre secourable, bienveillant…
En effet, il faut qu’ils soit bienveillant cet adulte… c’est à dire qu’il accepte d’être maltraité par le bébé. Car oui, même s’il est dérangé, agacé, irrité…. ce qui ne manque pas d’arriver – il ne va pas exercer de représailles envers cet enfant, source se son inconfort.
Toute cette histoire est reprise dans la chanson d’Arno : Les yeux de ma mère: Celle qui m’écoute toujours / Quand je suis dans la merde / quand je suis con et faible / ou bourré comme une baleine / Elle sait que mes pieds puent / Elle sait comment j’suis nu / Et quand je suis malade, elle est la reine du suppositoire
[Musique : extrait du concert d’Arno du 5 février 2022 à l’Ancienne Belgique]
… Quelle musique, quelle chanson et il a plus de 70 ans… Si cette chanson nous touche tant, c’est parce qu’elle nous ramène à cet âge d’or… qui reste à jamais gravée en nous si nous avons eu le bonheur de l’expérimenter.
Le bébé a donc pu se découvrir autre… ET dans dans le regard de l’adulte – les yeux de ma mère – il prend confiance et va s’engager dans la réciprocité: répondre à un sourire, mettre ses doigts dans la bouche de l’adulte, simulant ainsi de le nourrir….
Le fait d’avoir été aimé – disons suffisamment – nous permet d’aller en confiance vers les autres.
Sans tout ce parcours, nous pouvons nous sentir vide // ou perpétuellement chercher l’approbation, le soutien chez ceux que nous rencontrons // au point parfois / de nous oublier pour coller à leurs désirs, toujours à la recherche d’amour dans leur regard.
A l’inverse, si nous avons été considéré comme la huitième merveille du monde, comme la création grandiose d’un adulte, comme un roi à qui tout est donné… Alors d’autres problèmes nous attendent.
Jetez un coup d’oeil sur la seconde vidéo « S’aimer à la folie » et si vous avez des questions, utilisez les commentaires.
On dit beaucoup de chose sur les lapsus.
Mais qu’en est-il vraiment ?
Un lapsus est un désir qui cherche à se dire.
Parfois c’est évident.
Par exemple quand le président de séance annonce : « Je déclare la séance close » alors qu’elle débute… Tout le monde rit. Les choses sont claires.
Mais souvent, c’est plus obscur.
Prenons un exemple :
Dans son dernier livre, La France n’a pas dit son dernier mot, Zemmour commence par un lapsus. Il écrit « J’ai pêché, je le confesse. ». Il écrit Pêcher comme on va à la pêche et non comme celui qui a commis un péché.
Que penser de ce lapsus ? Un lapsus calami, comme on dit
Si Zemmour venait chez moi – ce qui ne risque pas d’arriver – Il dirait peut-être : Vous pensez que j’ai le temps de relire les épreuves ?Ou
Ce livre ? Je ne l’ai même pas écrit.
– Vous l’avez quand même signé
– Vous avez bien dû l’ouvrir et lire les premières lignes.
Soit…
Et très souvent nous faisons de la même manière : nous disons Bah, cela n’a pas d’importance, Ma langue a fourché, J’étais fatigué…
Dommage
En fait, un lapsus, c’est toujours une chance.
Une chance d’en savoir un peu plus sur les désirs inconscients qui nous habitent, ces désirs que tentent de se frayer un chemin, qui pointe le bout de leur nez.
Donc s’il venait chez moi, je lui dirais, comme je dis à tous mes patients : Dites donc tout ce qui vous vient à l’esprit, laissez-vous aller
Il pourrait dire :
Je pense à la pêche au gros …
C’est vrai qu’avec ce livre j’essaye d’aller à la pêche à l’électeur.
Ou :
…Un soir d’été, alors que je découpais une pêche dont je mettais les morceaux dans mon verre de vin…
Il pourrait aussi dire :
J’ai beaucoup hésité sur cette phrase. Elle est importante la première phrase d’un livre.
Il y a autre chose que je devrais confesser…
Je voudrais en parler à quelqu’un mais je n’y arrive pas
J’ai honte d’en parler
Ou :
Je pense aux pêcheurs du dimanche
Oui, vous connaissez le parti des pêcheurs, ceux qui ne vont pas voter.
A certains moments, j’en ai marre de tout ce cirque. J’irais bien moi aussi me la couler douce au bord de l’eau.
– Et qu’est ce qui vous y oblige ?
On pourrait encore dire beaucoup de chose sur ce lapsus
Et vous avez sûrement des idées qui vous viennent autour de la pêche, du péché, etc.
Mais le seul à pouvoir comprendre son lapsus, c’est l’auteur du lapsus.
Moi je ne fais qu’inviter.
Et comme Zemmour n’est pas venu chez moi, je ne peux pas interpréter ce lapsus
Et s’il était venu chez moi, je ne vous en parlerais pas.
Bien sûr
[Contexte : Le 21 juillet 2007, alors occupé à essayer de former un gouvernement,Yves Leterme, homme politique flamand entonne La Marseillaise, lorsqu’un journaliste de la RTBF lui demande de chanter La Brabançonne. ]
Le lapsus d’Yves Leterme provoque tout d’abord un immense éclat de rire. Mot d’esprit de l’inconscient, il apporte un souffle de vent frais dans l’air confiné d’une cérémonie, le Te Deum, image d’une Belgique qui n’existe pas. Il est bien des manières de rappeler que le roi est nu, ce qui n’est nullement le propre des royautés. Quand le corset du politiquement correct étouffe ou endort, la vérité se fait fort d’émerger là où on l’attend le moins, donc le plus.
Ensuite, comment comprendre un tel lapsus ? La psychanalyse rappelle que si le lapsus exprime un désir inconscient, seul son auteur est à même de l’interpréter. Yves Leterme souhaite-t-il rattacher la Belgique à la France ? Veut-il éviter d’être Premier ministre ? Se prend-il pour Sarkozy ? Est-il amoureux d’une Marseillaise ? A-t-il la folie des grandeurs ? Toutes ces questions peuvent tout au plus dire quelque chose sur celui qui les pose… Toute interprétation extérieure, fût-elle d’un analyste, est sauvage, violente et fausse. Seul l’auteur d’un rêve, d’un lapsus, d’un acte manqué est à même de l’interpréter, c’est-à-dire d’en tirer les leçons… pour autant qu’il le veuille (pour autant qu’il estime que cela vaut la peine d’être à l’écoute de son inconscient).
Et ceci rejoint la troisième leçon du lapsus : un lapsus public vient rappeler avec force que chacun d’entre nous, même le plus sérieux, est aux prises avec les tumultes de ses désirs inconscients lesquels ne se laissent jamais mettre en cage. Pointes d’icebergs, faute d’être pris en compte, ils provoquent des naufrages. Au plan d’un pays, cela rappelle que le gouvernement des hommes, basé sur la seule gestion rationnelle et consciente, est complète illusion. Mais seuls les gestionnaires sont déçus que les hommes ne soient pas des machines.
Le psychodrame est une méthode psychothérapeutique de groupe qui invite les participants à jouer une scène, un souvenir de leur vie. Le protagoniste, celui dont on va jouer le souvenir, choisit parmi les autres membres du groupe ceux qui vont jouer les différents personnages de l’histoire (un père, une sœur, un cousin…).
On se lève et on commence à jouer. Parfois un changement de rôle est proposé. Le fils, par exemple, va prendre la place du père et vice versa. A un moment, le psychothérapeute arrête le jeu et on se rassied. Chacun exprime ce qu’il a vécu dans le jeu, mais aussi à quoi cela lui fait penser par rapport à sa propre vie.
Revisiter des scènes du passé permet de porter sur elles un regard neuf, de leur donner une actualité: de faire des liens entre passé et présent, de parfois mieux saisir ce qui nous amène à prendre aujourd’hui des attitudes, des décisions qui nous font souffrir…
Le travail de groupe est à la fois thérapie et solidarité. Chacun peut se découvrir alternativement celui qui est en souffrance et a besoin d’aide et celui qui est à même d’offrir de l’aide.
Voilà plus de vingt ans que je pratique le psychodrame comme thérapeute et formateur. Jamais je n’avais imaginé qu’il était possible de le pratiquer à distance, par vidéo. La pandémie du Covid nous a tous obligé à nous adapter, à être créatifs… Elle m’a appris qu’il y avait moyen de mener des psychothérapies par vidéo, ce qui ouvre des possibilités pour des personnes qui ne peuvent se déplacer, qui sont à l’étranger, ou plus simplement dans une zone rurale mail desservie en possibilités psychothérapeutiques. Les informations concernant groupe présenté dans cette vidéo peut être retrouvées, ici, sur psychodrame.be
Bruxelles, le 23 mai 2020 – Lettre ouverte à mes collègues
Peut-être la crise du coronavirus vient-elle avec plus de vigueur encore interpeller les pratiquants de la psychanalyse. Pourtant, depuis le Livre noir, il y en eu des interpellations.
Au delà d’y percevoir la seule mauvaise foi, quelques collègues y ont bien repéré un symptôme à penser et nous ont apostrophé : « Psychanalystes qu’avons-nous fait de la psychanalyse ? » (Merci A. Millet). Ce fut jugé « intéressant », fit l’objet de quelques colloques avant que chacun retourne à son cabinet. Dommage.
Nous avons continué de privilégier la cure ou ce qui lui ressemblait le plus, dans le confort de nos cabinets et ailleurs, remettant à plus tard de penser l’articulation entre clinique et citoyenneté. Pourtant, intégrer le cri de Winnicott « Un bébé ça n’existe pas ! », c’est soutenir aujourd’hui qu’un humain n’existe pas sans son environnement. D’autant que, maintenant, nous avons également intégré qu’il n’est point de frontière étanche entre réalité et réalité psychique. Et nous savons aussi à quel point le travail groupal ou communautaire, si pas politique, s’avère parfois plus soignant.
Freud, Lacan et les autres ne nous ont pas transmis une bible dont il faudrait éternellement faire l’exégèse, mais plutôt un mouvement dans une époque. Presque celui du « premier reptile qui a traîné son ventre hors de l’eau pour aller vivre sur la terre, sans poumons, et qui a quand même essayé de respirer, il était fou, lui aussi. N’empêche que ça a fini par faire des hommes. » (R. Gary).
Alors, comment faire pour retrouver ce mouvement ? Cet arrachement originaire.
Aujourd’hui la crise du coronavirus nous met au pied du mur. Allons-nous – éternellement plombés par la métaphore de l’or et du cuivre – nous contenter de proposer des entretiens individuels aux infirmières qui craquent, aux petits commerçants au bord du suicide ou aux livreurs qui chutent de leur vélo,… ? Nous savons qu’être psychanalyste ne peut se limiter à faire des cures, mais se doit de réfléchir à ce qui pourrait être le plus opérant grâce à la prise en compte de l’inconscient. Parfois un divan s’avère nécessaire, pas toujours.
De nombreuses personnes sont décédées en maison de repos, autant de familles n’ont pu rendre un dernier hommage à leurs morts,… Certes, nous ne mettrons pas la focale sur les sentiments d’abandons de leur enfance ; nous savons que le traumatisme existe et qu’ici il dépasse le registre individuel. Au travers de ces proches endeuillés, des soignants rendus impuissants… c’est tout un corps social qui est traumatisé. Que faire alors pour en prendre soin ? Comment inventer des dispositifs de groupes ou soutenir des rituels sociaux, comme le suggère notamment D. Di Cesare (Consacrons une journée à un rite public pour commémorer les victimes du coronavirus) ?
La question n’est pas d’inventer rituels ou dispositifs du haut de notre savoir mais bien d’écouter, soutenir et contribuer à ce qui émerge. Á Bruxelles, les professionnels de la santé ont dressé une haie de déshonneur, tournant le dos à la première ministre venue les visiter. Ce type de geste collectif n’est-il pas d’or pour soigner les équipes ? Face aux traumatismes sociaux, nous aurons toujours à aller chercher leçon auprès des folles de la place de Mai.
Tout était déjà en place il y a six mois, le coronavirus n’est rien d’autre qu’une loupe sur les inégalités sociales, le capitalisme débridé, l’environnement saccagé,… et la psychanalyse trop souvent confinée.
Comme tout un chacun , nous sommes aux prises du même virus et une part de nous aspire à retourner au monde d’avant. Mais peut-il encore exister ? Était-il souhaitable ? N’étions nous pas déjà, nous aussi, dans une forme de déni ? Comment ne pas y retomber ? Nos institutions auront-elles la capacité de se réinventer et de soutenir, si pas susciter, ces questions ?
D’avance je remercie mes collègues qui prendront la peine de me répondre, quand bien même la réponse serait divergente. L’heure n’est pas aux berceuses.
Vous êtes passionné de comprendre ! Bravo, vous serez éblouis par les théoriciens. Ils vous entraîneront au firmament de leurs théories. Alors que vous pensiez tout savoir de l’œdipe, vous découvrez avec délice qu’il ne s’agit là que d’un ba-ba aussi trivial que les tests psycho de l’été. Selon son obédience, ce brillant praticien vous entraînera dans les arcanes du Nom du père, de l’animus ou de l’identification projective.
Grâce à lui, vous vous préoccuperez du devenir de votre objet petit a, de votre sortie de la position schizo-paranoïde ou de l’interprétation comparée de vos rêves.
Vous ne serez pas seulement patient mais aussi chercheur dans le domaine des biais cognitifs, passionné de programmation neuro-linguistique, adepte du body-scan, des équations, des inversions topologiques. Dans la foulée, le schéma de la sexuation vous offrira un merveilleux doudou mental à même de faire face à toutes les situations de la vie, même – et surtout !- les plus inattendues.
Comme « ça se passe dans la tête », vous êtes persuadé c’est avec le cerveau qu’il faut COMPRENDRE. Sur ce point, il ne vous a jamais démenti ; il le pense aussi.
Pour votre plus grand plaisir à tous deux, ce jeu-là est infini et offre une manière, ma foi, fort distinguée de vaincre l’angoisse.
Décodage
Les psychothérapeutes ne travaillent pas « au pif ».
Pour exercer, il ne suffit pas d’avoir le « feeling », « la sensation de… », ni même d’être empathique
Les théories leur sont essentielles et doivent constituer une part importante de leur formation spécifique (au delà du diplôme de base) et continuée.
Les théories constituent, entre autre, le tiers qui fait en sorte que le thérapeute n’opère pas avec sa seule subjectivité. Au delà de ce qu’il pense, perçoit, il a dû se confronter aux théories, reconnaître les apports de ceux qui l’ont précédé ; il se fait superviser et échange avec ses collègues. Bref, il n’est pas seul, il n’est pas Dieu.
Mais en séance, la théorie reste à l’arrière plan.
Il serait réducteur que de vouloir faire entrer les dires du patient dans un schéma théorique, tout comme il est inutile de partager ses théories avec le patient ; cela ne peut que le mettre sur une mauvaise voie : celle de croire qu’une psychothérapie relèverait de la compréhension. Comprendre ? Jamais l’inconscient ne se laisse prendre.