Dans la série « En thérapie », le Docteur Dayan dit ne pas prendre de notes:
– 10:30 : – En séance, etc… – vous ne prenez jamais de note ?
-Jamais, non
– Ah ben c’est curieux, ça…
Est-ce que c’est si curieux ?
Pourquoi, je ne prends pas de notes ou quasi pas de notes et que beaucoup de collègues font de même ? Il y a deux raisons
D’une part, la mémoire nécessaire à notre travail n’est pas séquentielle ni même organisée mais bien « flottante », et un élément significatif de l’histoire de mon patient reviendra à point nommé au détour d’une séance. C’est bien une des choses que l’on apprend au cours de notre (longue) formation : écouter de manière très particulière avec un cerveau qui n’a rien d’un disque dur.
La seconde raison réside dans une règle très simple, condition de possibilité de notre travail : « Tout ce qui se dit ici reste ici ».
S’il nous arrive donc de prendre note, ce sera tout au plus sur du papier avec un crayon et d’une écriture suffisamment indéchiffrable pour que le propos reste secret.
Mais certains voudraient voir les choses changer et les pressions se font multiples pour que les psy tiennent des dossiers, des dossiers informatisés.
Et là, nous avons un vrai problème. Tout simplement parce que toute donnée qui se trouve sur un serveur sera un jour publique. et cela pour trois raisons.
- Tout d’abord, il y a les cyberattaques. Plus de 1.000 intrusions l’an dernier en France. Et là, que le service hospitalier paye ou non la rançon, les données sont dans la nature.
- Second problème : les hôpitaux vendent nos données à des firmes commerciales en les anonymisant. Mais les chercheurs ont pu montrer que l’anonymisation des données était un leurre.
- Troisième problème : nous assistons à une concentration des données dans ce que l’on appele « les nuages » où elles sont « sois-disant » anonymisées et de plus soumises aux bugs et indiscrétions. les exemples ne manquent pas. Ces données sont rassemblées parfois dans des entreprises peu connues du grand public ou chez les ténors du secteur : Azure de Microsoft ou Nightingale de Google, Amazon Web Services ou Apple etc.
Et que disent les responsables, prenons par exemple le vice-président du Health Data Hub français : « Donner son sang, c’est aider son prochain ; il en est de même du partage de ses données de santé. Les partager à son équipe soignante, c’est être mieux soigné ; les partager pour tous, c’est permettre que l’ensemble de nos concitoyens le soient aussi. »
Alors moi, je n’ai pas d’objection à ce que mon groupe sanguin soit public ni les radios de mon bras cassé. Mais qu’en est-il de ma séropositivité VIH ? De l’IVG pratiquée à l’insu de mes parents ? De la tentative de suicide lors de mon adolescence ? De la dépression survenue quand j’ai perdu mon boulot… Vous imaginez toutes données bientôt à l’air libre elles aussi ?
C’est inacceptable.
- Voilà pourquoi j’invite mes collègues à entrer en résistance et à se refuser à toute informatisation de ce qui relève du domaine de la santé mentale. Personne n’a même besoin de savoir que Monsieur Dupont est un jour venu me voir.
- Voilà pourquoi les patients ne doivent pas consentir à des dossiers informatisés dans les domaines qui relèvent de leur intimité.
- Voilà aussi pourquoi la gestion des données personnelles en matière de santé doit faire l’objet d’un débat nettement plus public et éclairé qu’il ne l’est actuellement.
MAJ 13-07-22
Des médecins dénoncent des assurances hospitalisation plus chères en cas de suivi psychologique
RTLINFO avec l’agence Belga, publié le 13 juillet 2022 à 06h54
Les personnes qui suivent ou ont suivi un traitement par un psychologue ont parfois plus de mal à obtenir une assurance ou doivent payer une prime plus élevée, affirme l’association flamande des psychologues cliniciens (VVKP) dans De Morgen mercredi.
Celle-ci donne en exemple un client qui a dû payer une prime plus élevée en raison de son arachnophobie. Le VVKP observe également, au cours des derniers mois, un nombre sensiblement plus élevé de rapports concernant des personnes hospitalisées en psychiatrie et qui ont ensuite des difficultés à contracter une assurance hospitalisation ou doivent payer des primes plus élevées.
La fédération sectorielle des assureurs, Assuralia, affirme cependant qu’elle n’a pas connaissance de cas qui concernent une thérapie avec un psychologue. « Ce n’est le cas que pour les maladies mentales graves telles que la schizophrénie ou la psychose », indique-t-elle.
Le ministre de l’Économie Pierre-Yves Dermagne (PS) veut quant à lui étendre le « droit à l’oubli » -selon lequel les assureurs ne peuvent plus tenir compte de l’historique d’une maladie- à diverses maladies chroniques. « Il est possible que les maladies mentales soient également prises en compte dans ce domaine », ajoute-t-il.