Ses stages (comme sa vie) se sont déroulés sans heurts, il a obtenu son diplôme avec distinction, s’apprête à suivre (oui, peut-être) l’une ou l’autre formation complémentaire (courte, si possible). Et voilà, il est psychothérapeute ! La plaque est fixée à sa porte, les cartes de visites imprimées, le médecin généraliste démarché. Et voici que maman téléphone à ses amies pour voir si l’une ou l’autre connaissance n’aurait pas justement besoin d’un petit coup de pouce. Difficultés scolaires, séparation houleuse, coaching professionnel, médiation en vue ? Pour cela et bien d’autres difficultés encore sa progéniture est compétente (pensez, une distinction !).
Ils ont tout appris dans les livres, et tomberont de haut quand ils réaliseront que le développement de leurs enfants ne suit pas les stades prévus et que les méthodes de bonne communication au sein du couple sont si peu opérantes avec leur conjoint.
Chez eux, vous ferez une psychothérapie distinguée, inoffensive (donc parfois dangereuse) et probablement ennuyeuse. Hélas, parfois, le plus gros dommage qu’il vous auront causé est de vous avoir éloigné à tout jamais d’une psychothérapie alors que vous en avez tellement besoin, alors que votre vie est aussi passionnante que les cocktails que vous vous obligez de fréquenter .
Décodage
Qu’il s’agisse des ingénieurs ou des psy, si les universités formaient des praticiens, cela se saurait. Et même si les études de psychologue clinicien prévoient des stages relativement longs, elles n’offrent jamais qu’une base sur laquelle le psychothérapeute va devoir construire le reste de sa formation. Une formation spécifique, des séminaires, une psychothérapie personnelle…
Avant de prendre des patients en charge, il aura expérimenté la dureté de la vie, le découragement face aux difficultés de trouver un job, le bénévolat (en attendant), les emplois dans des institutions où la gestion (et la pauvreté intellectuelle) prend le pas sur l’élaboration (et donc les soins). Peu à peu, il construira sa solidité intérieure, et, commencera des consultations… après bien des hésitations. Car dans sa chair, il sait que ce n’est pas un métier que l’on puisse exercer à la légère.
[Reprise d’une série d’articles que j’avais rédigé en 2014 pour un site fermé depuis : Les consolateurs | Les muets | Les prescripteurs | Les diplômés | Les séducteurs | Les brefs | Les gourous | Les m’as-tu vu ? | Les entraîneurs | Les théoriciens ]