Vous l’avez découvert alors qu’il participait à une émission de grande écoute. Vous l’avez lu dans votre magazine préféré et avez trouvé tellement pertinente son analyse du dernier divorce (ou mariage?) de Pamela Vander Bild, et que dire de ses commentaires, la semaine suivante, à propos des récentes élections (ou la prostate du Président) !
Mais c’est le brio avec lequel, à la télévision, il a mouché Nicolas Devos qui vous fit complètement flasher sur lui au point de lui demander d’entreprendre une psychothérapie. Quoique très sollicité, il voulu bien accepter de vous voir, une fois tous les quinze jours (sauf, vous comprendrez, participation impromptue à une émission) – à un tarif qui, certes vous oblige à quelque sacrifices, mais que vous avez clairement perçu comme non négociable.
Vous appréciez à sa juste valeur ses interventions (énigmatiques parfois, mais qui donnent tant à réfléchir) et fondez littéralement sous la chaleur de son regard, au moment de vous séparer.
Entre deux séances, vous suivez son blog et ne manquez aucune de ses apparitions télévisuelles du samedi soir.
Vous savez que la thérapie sera longue… Secrètement, vous espérez qu’elle n’ait pas de fin.
Décodage
Habituellement les psychothérapeutes s’expriment peu de manière publique. Les journalistes sont toujours pressés, veulent une réponse immédiate, brève, compréhensible… Sans compter ceux qui aimeraient qu’on leur réponde ce qu’ils ont déjà pensé eux-mêmes. Ceci s’accorde mal avec une profession qui refuse les fausses urgences, a besoin de temps pour réfléchir et souhaite s’exprimer en nuance. En outre, cette prise de parole n’est pas sans effet sur les patients dont l’espace d’imagination se voit alors réduit par ce qu’ils découvrent de la vie ou des opinions réels de leur psy. En effet, la discrétion du psychothérapeute constitue un des éléments qui va permettre au patient de transférer (projeter) ses sentiments en séance et la non réponse (frustrante) va peu à peu donner une certaine intelligibilité aux mouvements inconscients qui sont à l’œuvre.
A l’inverse, il est important que les psychothérapeutes ne restent pas dans leur tour d’ivoire et participent à la vie de la cité en apportant des éclairages quant à certains processus, inconscients notamment. Tant les hommes politiques que les citoyens aimeraient que l’organisation sociale repose sur la raison, mais nos comportements sont empreints d’une irrationalité qu’il y a lieu de prendre en compte dans les décisions publiques.
De la même manière, apporter un contrepoint à ce qui est véhiculé par la publicité et les médias mainstream peut donner de l’air aux familles. D.W. Winnicott ou F. Dolto ont excellé dans ce sens.
A chacun de tenter de percevoir si les interventions publiques du psy concerné relèvent d’une tentative d’apporter un certain éclairage ou d’une façon de se faire mousser – auquel cas sa consistance laissera toujours à désirer.
[Reprise d’une série d’articles que j’avais rédigé en 2014 pour un site fermé depuis : Les consolateurs | Les muets | Les prescripteurs | Les diplômés | Les séducteurs | Les brefs | Les gourous | Les m’as-tu vu ? | Les entraîneurs | Les théoriciens ]